Lumineux-Champollion
  Lumineux-Champollion

Premier prix-concourt.

1803 touche à sa fin.

Jacques-Joseph rentre chez lui où l’attend son cadet et     deux de ses nouveaux amis.

- Bonsoir mon frère, bonsoir Messieurs… Il me semble vous connaître déjà vous deux…

-Bonsoir, répondit à l’unisson la petite assemblée.

Jean-François s’était levé de son fauteuil et alla embrasser son aîné.

-Je te présente mes deux amis du pensionnat : Félix Réal   et Jean-Baptiste Froussard.

Sais-tu que le papa de Jean-Baptiste est tout comme le     nôtre ?

- C’est-à-dire ?

- C’est-à-dire qu’il est colporteur et achète des tas de livres.

- Drôle en effet. Dis Jean-Baptiste, rassure-moi, tu aimes la lecture au moins ? Parce que saches que l’avenir           appartient à ceux qui lisent tôt !

- Ne les effraie pas Jacques-Joseph…

Tout le monde se regarda et se mit à rire après un bref instant de silence…

- Cadet, j’ai deux bonnes nouvelles à t’annoncer : Tu sais   que le Préfet Fourier m’a déjà fait entrer au lycée, et bien à l’instant, il vient de me nommer au collège électoral ! De plus, je viens de t’inscrire pour le concours d’entrée au     nouveau lycée. Je suis persuadé que sur la cinquantaine de places, il y en a une pour toi. Mon jeune frère, ta vie       commence ici!

Lycée de Grenoble, janvier 1804. 

 

 

Que le monde progresse tant qu'il veut, que toutes les branches des connaissances humaines se développent au plus haut degré, rien ne remplace la Bible base de toute éducation.

                                                    Goethe (1749-1832) Savant et écrivain allemand.

Le son d’un clocheton retentit devançant un appel :

- Candidat Champollion Jean-François !

Le brouhaha des conversations dans ce couloir du lycée,   répétées, déformées, amplifiées noyait la voix de           l’intendant qui dut réitérer son appel en formant un cône de ses mains autour de sa bouche :

-Can-di-daaaat Cham-po-llion Jean-Fran-çooooiiiiiis !

-Me… Me voiciiiii ! Cadet couru vers la porte ouverte,   bouscula tout le monde, l’annonceur y compris, entra     précipitamment dans la salle et se retrouva face à deux   Messieurs.

- Bonjour garçon, je suis Villard et voici mon confrère     Lefevre-Gineau, inspecteurs de Paris.

Candidat Champollion Jean-François, est-ce bien cela?

- Heu… Oui.

- Comment ça heu oui… Tu ne te rappelles donc plus ton   nom ?

- Si bien sûr.

- D’où nous vient ce bel accent ?

- Je suis né à Figeac, Monsieur, département du Lot.

- Figeac, Figeac… Serais-tu parent avec Jacques-Joseph     Champollion-Figeac? 

- Oui Monsieur, c’est mon grand frère.

- Ha. Nous nous sommes croisés récemment à Paris.     Brillant personnage. Mon dieu que le monde est petit. Tu en as de beaux livres dis-moi, qu’est-ce donc ?

- Voilà un Virgile, Monsieur, celui-ci c’est un Horace     variorum, et celui-là est une Bible.

- Beau programme ! Les deux examinateurs semblaient     perplexes ; voir un si jeune homme tenir entre ses mains de tels exemplaires surtout avec une telle assurance.

- Nous sommes prêts mon garçon, nous t’écoutons. Par quoi vas-tu commencer ?

Cadet ouvrit le premier ouvrage, annonça son titre :     Virgile. Il commença la lecture en latin d’un paragraphe, le traduisit, puis parla de ce poète et de son genre     littéraire. Il enchaina avec quelques lignes des meilleurs œuvres du poète Horace qu’il traduisit également,       commenta, faisant montre d’une certaine autorité.

Les deux professeurs se regardèrent. Ce garçonnet les     étonnait… Pas une hésitation, mieux, une assurance, de celle que l’on ne retrouve que chez un professeur et encore d’un niveau supérieur…

Lefevre-Gineau pria Jean-François de lui montrer son     Horace. Il le feuilleta brièvement, choisit un texte dont il lut trois lignes et lui demanda de les lui traduire, ce qui fut fait sans le moindre accroc.

Il regagna sa place, clôt son livre sur Horace, et sans     relever la tête ouvrit sa Bible écrite en hébreu, annonça : “Psaume 18“, mais les examinateurs l’interrompirent là. Ils descendirent de l’estrade et s’approchèrent au plus prêt de ce drôle de “phénomène“…

- Quel âge as-tu Jean-François ?

- J’ai eu treize ans il y a un mois Monsieur…

-Treize ans ? Hummm. Villard pris la Bible des mains de Jean-François, la feuilleta.

- Et… tu allais nous traduire un texte écrit en hébreu ?

- Oui Monsieur.

L’inspecteur désigna deux lignes comme un défi.

Jean-François sourit, regarda ces deux messieurs puis     s’exécuta.

 

 א וַיְהִי, אַחֲרֵי מוֹת מֹשֶׁה--עֶבֶד יְהוָה; וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-יְהוֹשֻׁעַ בִּן-נוּן, מְשָׁרֵת מֹשֶׁה לֵאמֹר.

Après la mort de Moïse, serviteur de l'Eternel, Dieu parla ainsi à Josué, fils de Noun, qui avait servi Moïse:

 

- Et bien… et bien… Félicitations Jeune Champollion, nous sommes très impressionnés, n’est-il pas mon cher Lefevre-   Gineau ? Puis lui souffla à l’oreille :

- Tu t’y connais toi en hébreu ? Certes non et toi ? Que     nenni…

Les inspecteurs ne quittaient pas des yeux ce petit prodige, ne sachant que dire. Lefevre brisa le silence :

- Dis-nous jeune homme, d’où te vient cet intérêt ? Tu as des parents orientaux peut-être ?

Jean-François amusé :

- Non Monsieur, je suis né comme cela, mon cœur se lève à l’Est tous les matins. J’ai appris à lire seul avec le missel de maman, ce fut mon premier livre. Mon précepteur à     Figeac, Dom Calmels, grâce à sa vieille Bible m’a initié au latin, puis je lui demandait un jour quelle était cette drôle d’écriture d’une autre Bible qu’il possédait, il me dit que c’était là l’écriture de la bible originelle, hébraïque. Je lui demandais immédiatement de m’apprendre cette langue, ce qui le fit rire aux éclats !

- Pour cela, me répondit-il, il te faudra rencontrer un tout autre curé que moi, l’un de ceux qui enseignent la langue des Hébreux !

- Je lui demandais ce qu’est la Bible originelle.

- La Bible originelle, mon petit, c’est le nom du Livre rédigé bien avant la naissance de notre seigneur Jésus le Christ, appelé aussi l’Ancien testament…

Les deux professeurs se regardèrent, puis Villard pris la parole :

- C’est bien Jean-François, c’est même très bien. Il reste     encore quelques candidats… Nous t’invitons dans quelques jours à venir voir la liste des acceptés et certainement, tu y découvriras une belle surprise.

Ils saluèrent Cadet, le raccompagnèrent jusqu’à la porte et firent mander le candidat suivant.

- Candidaaat Johannisssss Wangehiiiiiiiis !

Le jeune Champollion couru le cœur battant jusqu’au 21 Grande-Rue chez Rif rendre compte à son aîné de cette drôle de matinée. La semaine suivante, ils se rendirent aux résultats. Jean-François nerveux bousculant quelques     épaules, piétinant quelques bottines, se planta essoufflé devant le tableau. Il dénoua sa cravate, fit glisser son doigt sur la liste alphabétique… A, B, C… Stupeur, point de Champollion. Ce doit être une erreur. C, non, point de     Champollion. Les larmes déjà embuaient son ténébreux     regard. Bravo ! Je suis fier de toi ! Figeac étreignit son   Cadet, anéanti, qui se demandait ce qui se passait. Il lui   montra une ligne en haut de la liste : REÇU PREMIER AU CONCOURT - ADMIS ÉLÈVE IMPÉRIAL       BOURSIER - M. JEAN-FRANÇOIS CHAMPOLLION- JEUNE.

 

                                                                                                   Suite page 3

MISSION CHAMPOLLION

 



Par Patrick Kararsi

  

   

Statue de Bartholdi – Collège de France .   « Je veux consacrer ma vie à l’antique Egypte. » JF Champollion. Statue de Bartholdi – Collège de France . « Je veux consacrer ma vie à l’antique Egypte. » JF Champollion .
JFC par Mauzaisse 1830 (Copie, don de Mr Hervé Champollion) JFC par Mauzaisse 1830 (Copie, don de Mr Hervé Champollion)
JFC par Rougé JFC par Rougé
JFC par Étex JFC par Étex
JFC à l'IFAO au Caire JFC à l'IFAO au Caire
JFC JFC
JFC par Mme de Rumilly 1823 JFC par Mme de Rumilly 1823
JFC par Angelelli 1836 JFC par Angelelli 1836
Hermine Hartleben 1ère biographe de JFC 1906 (Don de Mr Martin Hartleben) Hermine Hartleben 1ère biographe de JFC 1906 (Don de Mr Martin Hartleben)
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