Vingt-troisième jour de décembre 1807, Paris…
* Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795) à l’aube, le général Bonaparte, convoqué par Barras est sommé de mettre fin à l’insurrection royaliste devant l’église Saint-Roch proche des Tuileries. Le vainqueur de Toulon ordonne dans l’instant à Murat d’aller chercher des canons à la plaine des Sablons en “sabrant s’il le faut“ afin de les disposer rue Saint-Honoré. En quelques minutes à peine de combats, le désormais “général vendémiaire“ annonce à son chef Barras que l’ordre est rétabli.
Il pousse le portail, pénètre dans la maison de Dieu. Son cœur cogne lui donnant quelques sueurs froides.
Il plonge deux doigts dans un bénitier, se signe respectueusement puis avance religieusement, silencieusement, admirant vitraux, peintures et sculptures.
L’on a beau ne point croire en Dieu, il y a pourtant ce mystère sacré d’hommes qui pour lui tirent d’eux-mêmes leurs œuvres les plus magnifiques, les plus émouvantes… Pense-t-il.
Au bout de la travée centrale, il voit une porte sur la gauche, s’y dirige, puis frappe…
Elle s’ouvre sur un homme d’âge incertain. Le cheveu est blanc, ras, visage buriné au teint foncé, une paire de lunettes à branches terminées par un petit cercle est posée sur le nez. Sa longue tunique noire impose une solennité hors du temps présent…
- Bonjour mon père, je m’appel…
- Je vous attendais.
- Monsieur Dervaux vous aurait-il prévenu déjà que..
- Non, je vous attendais depuis un petit moment déjà.
- Comment cela ?
Cet homme en noir qui ne s’était point encore présenté à Jean-François lui prit sa main, la garda quelques instants serrée entre les siennes en le fixant.
Je suis le moine copte que vous désiriez rencontrer.
- Bonjour mon père, et moi je suis Jean-François Champollion, bien décidé à parler la langue copte comme mon français.
Saghir tenta de résister au regard étrange de ce prêtre peu commun, qui le fixait par-dessus ses verres de lunettes de sa paire d’yeux vitreux. Il semblait fouiller son âme si profondément qu’il eut un léger mouvement de recul.
- Votre âme égyptienne est très vieille, Saghir… Je la vois veillant sur une lampe à huile dont la flamme ne s’est point éteinte depuis plus de trois mille ans.
Qu’est-ce donc que ce conte là… pensa Jean-François. Et comment connaît –il mon surnom ?
- Bienvenue dans le véritable Orient jeune homme…
- Vous êtes Geha Cheftichi, n’est-ce pas ?
- Oui en effet.
Le moine lâcha la main de Saghir tout en détournant son regard perçant.
- Vous voulez donc réapprendre notre langue que vous pratiquiez il y a très longtemps, est-ce bien cela?
- Heu… en fait mon père, je suis tout accaparé par l’Égypte ancienne, c’est vrai, et par son écriture mystérieuse, c’est encore plus vrai. Je viens demander à Jacob son échelle, non point pour monter au ciel mais pour descendre jusqu’aux racines des langues orientales, copte, chaldéenne, syriaque, l’hébraïque. Cela me permettrait, je pense, de débarquer au plus profond en terre d’Égypte… Cette Mère des Mondes ayant précédé ou cohabité avec ces langages, d’une manière ou d’une autre elle a dû y laisser quelques traces. Toutes civilisations voisines d’Elle, en sont imprégnées, j’en suis sûr…
- Vos vieux questionnements ressurgissent !
Tu veux être instruit de ce en quoi les Égyptiens voient la cause première : Si elle est un intellect ou si elle est supérieure à toute intelligence, si elle est Une ou associée à autre chose, voire à plusieurs, et si elle est corporelle ou impalpable, si elle s’apparente au démiurge ou si elle le précède, si tout ce qui existe vient d’un seul être ou de plusieurs, et si le cas échéant ces derniers rencontrent d’abord des matières ou des corps dotés de dualité, et connaissent une matière inengendrée ou engendrée ?
Les mystères d’Égypte Jamblique
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