Lumineux-Champollion
  Lumineux-Champollion

Thèbes, 24 novembre 1828,

 

Le 16 au soir, nous arrivâmes enfin à Dendéra. Il     faisait un clair de lune magnifique, et nous n’étions   qu’à une heure de distance des temples : pouvions-   nous résister à la tentation ? Je le demande au plus   froid des mortels !

 

Pure merveille sous l’éclairage lunaire, tableau on ne peut plus romantique (avant Chateaubriand), Jean-François aura immédiatement l’œil de l’expert (ou du vieil égyptien) car, pour stupéfiant de beauté tel que ce temple lui apparaitra dans les toutes premières secondes, il aura vite séparé en deux son diagnostique ; l’architecture, d’une part, proportions idéales et immuables car c’est un art « chiffré », par contre la décoration hiéroglyphique, d’époque décadente, relâchement humain coupable...

                  THÈBES, enfin… Le sein du Saint 

 

Le quatrième jour (hier 23), je quittai la rive gauche   du Nil pour visiter la partie orientale de Thèbes.

 

J’allai enfin au palais ou plutôt à la ville des         monuments, à Karnac. Là, m’apparut toute la         magnificence pharaonique, tout ce que les hommes   ont imaginé et exécuté de plus grand.

 

Tout ce que j’avais vu à Thèbes, tout ce que j’avais   admiré avec enthousiasme sur la rive gauche, me     parut misérable en comparaison des conceptions     gigantesques dont j’étais entouré. Je me garderai   bien de vouloir rien décrire ; car, de deux choses l’'une, ou mes expressions ne rendraient que la       millième partie de ce qu’on doit dire en parlant de tels objets, ou bien si j’en traçais une faible esquisse, même fort décolorée, on me prendrait

 

pour un enthousiaste, tranchons le mot,-pour un fou. Il suffira d’ajouter, pour en finir, que nous ne sommes en Europe que des Lilliputiens et qu’aucun peuple     ancien ni moderne n’a conçut l’art de l’architecture sur une échelle aussi sublime, aussi large, aussi       grandiose, que le firent les vieux Égyptiens ; ils   concevaient en hommes de cent pieds de haut, et nous n’en avons tout au plus cinq pieds huit pouces.       L’imagination qui, en Europe, s’élance bien au-dessus de nos portiques, s’arrête et tombe impuissante au pied des cent quarante colonnes de la salle hypostyle de Karnac.

 

   Salle hypostyle de Karnac Salle hypostyle de Karnac

 Je quittai Thèbes le 26 novembre, et c’est de ce monde enchanté que ma dernière lettre est datée. Il a fallu m’abstenir de te donner des détails sur cette vieille capitale des Pharaons : comment parler en quelques lignes de telles choses, et quand on n’a fait que les entrevoir !

                               OUADY-HALFA

 

 

Ouady-Halfa, 2ème cataracte, 1er janvier 1829.

 

Me voici arrivé fort heureusement au terme extrême de mon voyage, mon cher ami : j’ai devant moi la     deuxième cataracte, barrière de granit que le Nil a su vaincre, mais que je ne dépasserai pas. Au-delà     existent bien des monuments, mais au fond, de peu d’importance. Il faudrait d’ailleurs renoncer à nos barques, se hucher sur des chameaux difficiles à     trouver, courir des déserts et risquer de mourir de   faim, car vingt-quatre bouches veulent au moins   manger comme dix, et les vivres sont déjà fort rares ici : c’est notre biscuit de Syène qui nous a sauvés. Je dois donc arrêter ma course en ligne droite, et virer de bord, pour commencer sérieusement l’exploration de la Nubie et de l’Égypte, dont j’ai une idée générale acquise en montant. Mon travail commence           réellement aujourd’hui, quoique j’aie déjà en         portefeuille plus de six cents dessins, mais il reste     tant à faire que j’en suis presque effrayé…

 

 

 

CHAMPOLLION À M. DACIER

 

  

                    Ouady-Halfa, le 1er janvier 1829.

 

 

Monsieur,

 

  

Quoique séparé de vous par les déserts et par l’étendue de la Méditerranée, je sens le besoin de me joindre, au moins par la pensée, et de tout cœur, à ceux qui vous offrent leurs vœux au renouvellement de l’année. (…) Je suis fier maintenant que, ayant suivi le cours du Nil depuis son embouchure jusques à la seconde cataracte, j’ai le droit de vous annoncer qu’il n’y a rien à modifier dans notre Lettre sur     l’alphabet des hiéroglyphes. Notre alphabet est bon : il s’applique avec un égal succès, d’abord aux       monuments égyptiens du temps des Romains et des Lagides, et ensuite, ce qui devient d’un bien plus     grand intérêt, aux inscriptions de tous les temples, palais et tombeaux des époques pharaoniques. Tout légitime donc les encouragements que vous avez bien voulu donner à mes travaux hiéroglyphiques, dans un temps où l’on n’était nullement disposé à leur prêter faveur.

   

« Ite missa est ».

   

Le jour est arrivé où l’on peut re-lire l’Égypte… Mon héros, a patienté, durant ces mois, relevant hiéroglyphe après hiéroglyphe, dans les palais, dans les temples, dans les tombeaux, pour y trouver toute faille possible à son système de lecture dévoilé au monde sous la dédicace « Lettre à M. Dacier ». Et aujourd’hui, il l’affirme…

 

« Notre » alphabet est bon…

 

Qu’en serait-il advenu de ce génie-là sans toute la confiance que ce merveilleux homme dont le prénom était prédestiné : Bon-Joseph lui avait vouée ?

 

La CONFIANCE… Voilà qui donne des ailes !

 

 

      IBSAMBOUL (ABOU-SIMBEL)

 

  

Ibsamboul, 12 janvier 1828.

 

 

J’ai revu les colosses qui annoncent si dignement la   plus magnifique excavation de la Nubie.

 

 22 janvier
1829… - (…) J’ai aperçu au nord-est, vers les           montagnes de Méharraqa, une trombe qui, se       formant tout à coup, a parcouru le désert en élevant dans les airs un immense nuage de sables.
 

 

El-Mélissah, 10
février 1829.

 

 

À Champollion-Figeac,

  

-(…) Verrions-nous enfin un obélisque égyptien sur   une des places de Paris ? Ce serait beau ! Et je suis   déjà reconnaissant de ce qu’on a pas reculé devant   une telle entreprise.

 

Thèbes, le 12 mars
1820,

 

-(…) Nous demeurons encore dans nos barques, pour exploiter plus facilement le palais de Louqsor, au pied duquel nous sommes amarrés. J’ai revu ses deux       beaux obélisques.
Pourquoi s’amuser à emporter celui d’Alexandrie,     quand on pourrait avoir un de ceux-ci pour la       modique dépense de 400.000 francs au plus ? Le     ministre qui dresserait un de ces admirables     monolithes sur une des places de Paris
s’immortaliserait à peu de frais.

 

 

          BIBAN-EL-MOLOUK

  

25 mars 1829,

 

-(…) Nous avons tous pris la route de Biban-el-     Molouk, où sont les tombeaux des rois de la XVIIIe et XIXe Dynastie. Notre caravane, composée d’ânes et de savants, s’y est donc établie le jour même, et nous occupons le meilleur logement et le plus magnifique qu’il soit possible de trouver en Égypte. C’est le Roi Rhamsès (le IVe de la XIXe Dynastie) qui nous donne l’hospitalité, car nous habitons tous son magnifique tombeau, le second que l’on rencontre à droite en entrant dans la vallée de Biban-el-Molouk.

 

Ce qui caractérisera à jamais le génie de Jean-François Champollion c’est son humour… Et Dieu sait qu’il n’en manque pas et ce quelque soit l’occasion…

Peut-on, par ailleurs, être Génial ou Grand, sans cette
pincée de joie qui donne son propre à l’homme, c’est à dire son rire ? Dans ce paragraphe, il explique à son frère son chemin et le lieu fabuleux de son       « campement », puis d’une phrase anodine il rend en quelque sorte un hommage à es aînés, savants de   Buonaparte venus ici trente ans auparavant en     disant que « sa caravane » à lui est composée       d’ânes ET de « savants » ! Lorsque l’on sait que     pendant l’expédition d’Égypte, au moment des       escarmouches, les soldats formaient les carrés         défensifs en hurlants les « ânes » au milieu ! Les     « ânes », c’était ainsi que les militaires avaient     surnommé les savants…

 

                     EDFOU

 24 février 1829,

 

Nos travaux terminés à Edfou, nous allâmes reposer nos yeux, fatigués des mauvais hiéroglyphes et des   pitoyables sculptures égyptiennes du temps des     Lagides.

 

Jean-François Champollion,« cadet »,« Séghir »,   l’égyptien »… Combien de fois ai-je fixé mon regard   sur le sien…
« Sa « coquetterie » à son œil droit me rappelait     quelque chose…
Mais quoi ?

Bon sang, mais c’est bien sûr !

Son œil, son « Oudjat », est la représentation     parfaite de celui dessiné de face sur les profils des bas-reliefs ornant les parois des tombes et des temples égyptiens !



Après tout, n’est-il point le « Scribe d’Occident » ?   L’ « Élu » ?

Il vient dans une lettre de confirmer à Monsieur Bon- Joseph Dacier que leur système est bon…

Alors, il sait, il lit, il rectifie les erreurs qu’ont pu     commettre les savants copistes de la Commission,     mieux, il souligne les « anomalies » inscrites des     mains mêmes des artistes égyptiens dans certains     textes hiéroglyphiques sur les parois, comme le feront plus tard ses successeurs Mariette et Maspero, car   ces habiles dessinateurs ou sculpteurs n’étaient pas   forcément de parfaits « lettrés ». Savaient-ils         seulement lire et écrire ? L’Écriture Sacrée n’était   réservée qu’aux « initiés » : scribes, prêtres,         princes, Rois…

                                            Suite page 4

MISSION CHAMPOLLION

 



Par Patrick Kararsi

  

   

Statue de Bartholdi – Collège de France .   « Je veux consacrer ma vie à l’antique Egypte. » JF Champollion. Statue de Bartholdi – Collège de France . « Je veux consacrer ma vie à l’antique Egypte. » JF Champollion .
JFC par Mauzaisse 1830 (Copie, don de Mr Hervé Champollion) JFC par Mauzaisse 1830 (Copie, don de Mr Hervé Champollion)
JFC par Rougé JFC par Rougé
JFC par Étex JFC par Étex
JFC à l'IFAO au Caire JFC à l'IFAO au Caire
JFC JFC
JFC par Mme de Rumilly 1823 JFC par Mme de Rumilly 1823
JFC par Angelelli 1836 JFC par Angelelli 1836
Hermine Hartleben 1ère biographe de JFC 1906 (Don de Mr Martin Hartleben) Hermine Hartleben 1ère biographe de JFC 1906 (Don de Mr Martin Hartleben)
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