Lumineux-Champollion
  Lumineux-Champollion

LE DERNIER SOUPIR DE « SÉGHIR »

 

 

 

Paris, le 3 mars 1832, il est minuit moins le quart. Au 4, rue Favart…

 

 

Jacques-Joseph est avachi dans ce petit fauteuil. Son frère, son demi-Dieu, son filleul, son ami, son fils presque, « son » déchiffreur des hiéroglyphes gît là sous ses yeux sur ce lit qu’il ne quitte plus depuis maintenant trois mois. Un gisant ; il ne le reconnaît pas. Considérablement amaigri, le teint plus vert que pâle, tremblant, délirant, Jean-François Champollion s’éteint doucement.

 

Figeac somnole, il se revoit avec son frère au 28 rue Mazarine, il y a un peu plus de deux mois. Séghir pour son anniversaire avait voulu qu’on le transportât dans ce lieu avec lequel disait-il « je ne forme qu’un, »  ce lieu de sa délivrance et de celle de l’Égypte ! 

 

 

Soudain la porte de la chambre s’ouvre. C’est Zoraïde…

 

« Entre la puce … » Elle fixe le regard de son oncle, elle ne l’avait jamais vu pleurer…

 

Surpris, presque gêné, il essuie ses yeux d’un revers de sa manche de chemise… Il l’invite à entrer.

 

Délicatement elle grimpe sur le lit et se couche aux côtés de son papa.

 

Il y a là posés un peu partout les habits et les carnets d’Égypte…

 

Sans ouvrir les yeux, Jean-François l’entoure de son bras, elle embrasse sa joue.

 

L’oncle attendri par ce « tableau » se sent de trop, se lève doucement puis sort de la pièce.

 

« Je t’aime ma petite fleur de Printemps.»

 

« Moi aussi je t’aime mon papa. »

 

Il parle avec difficulté… son souffle est court…

 

« Tu sais ma belle, je n’ai pas été un très bon papa   pour toi… J’aurais tellement voulu te donner plus… T’apprendre l’histoire, la géographie, les vieux peuples, voyager… »

 

Que la vie est courte… 

 

 

Des larmes coulent sur ses tempes, Zoraïde les essuie avec ses petits doigts… Ne pleurez pas mon papa, je suis là… Elle caresse son front glacé…

 

 « L’Égypte m’a tout pris tu sais… Ma jeunesse, mon énergie, mon âme, ma vie avec toi, avec ta maman… Que pouvais-je faire ?

 

Je m’étais révélé à elle sans m’en rendre compte, puis elle s’est révélée à moi, subitement, sans que je résistasse, d’ailleurs je ne pouvais et ne voulais lui résister… »

 

« Maintenant ferme les yeux petit amour… Il prit dans sa main la petite main de poupée de son enfant, ils entrecroisèrent leurs doigts… Tu vois ces étoiles qui nous regardent ? Vois ces colosses, vois ces temples, ces hommes chauves en pagnes blancs, ces femmes aux perruques noires et aux robes légères, comme elles sont belles, vois ces arbres, ces fruits, ces fleurs, vois, ce fleuve c’est mon sang, c’est le Nil, mon Monde…

 

Á peine eut-il terminé sa phrase qu’il se mit à trembler. Prise de panique, Zoraïde appela son oncle…

 

 

« Attends ma petite fleur de printemps, avant de partir tu vas me promettre une chose ; Promet-moi de veiller sur ta maman maintenant… Moi, je promets, de mon monde lointain, de veiller sur vous deux…  Alors, promis ? »  

 

« Mais vous n’allez pas mourir mon papa… Pas maintenant… »

 

Jacques-Joseph entra tout doucement… Il prit la main de sa nièce. Ils se regardèrent et Jacques-Joseph compris ; « elle sait maintenant ».

 

La puce embrassa une dernière fois son cher papa en lui caressant les cheveux, il semblait dormir très profondément.

 

 

Son oncle la raccompagna à la porte, elle se retourna, regarda une dernière fois « son  géant » terrassé, puis elle éclata en sanglots… Jacques-Joseph la serra fort dans ses bras et la porta vers Rosine sa maman.

 

Il regagna la chambre, mis une bûche dans l’âtre, éteignit toutes les bougies sauf une qu’il plaça sur le chevet. Il mit les mains sur son visage marqué par les veilles, les combats, la défense de l’œuvre de son frère puis s’adressa au tout puissant ;

 

« Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu, n’est-ce donc que cela la vie ? Voyez votre fils qui souffre… Faites que cela s’arrête je vous en prie… Cela n’est pas humain… Donnez moi sa douleur… Il n’en peut plus… Mon Dieu faites cela pour lui… Prenez ma vie et laissez le lui, continuer son chemin, son bel œuvre…» Il se surprit à implorer le tout puissant mais pour ce frère, il implorerait le diable…

 

Il se sentait tellement impuissant dans ce moment, lui qui avait toujours su protéger et batailler pour son petit frère… Là, Il ne pouvait rien faire, rien tenter pour soulager ce corps difforme, cette âme si merveilleuse qui se perdait dans la nuit…

 

Trois heures trente sonnent… Jacques-Joseph s’est endormi… Soudain un cri : « Trop tôt ! Et en pointant son doigt sur sa tempe, dans un sursaut d’énergie, le déchiffreur s’écrie : Il y a encore tant de choses là-dedans ! » Puis il se calme et semble se rendormir.

 

Figeac borde le lit avec respect et soin…

 

Il regarda son cadet dont le visage soudain semblait apaisé… Il remarqua également un léger sourire… la peau paraissait plus rose. « Et bien au-delà, jusqu’en Égypte, jusqu’à Thèbes ! »  Un dernier soupir, la tête de Séghir tomba lentement sur le côté, ses yeux désormais éteints restaient fixés vers ce frère… C’en était fini…Jacques-Joseph bondit, appela Jean-François dans un cri déchirant… Il lui prit la main, tomba à genoux… Il espérait encore, crut que… Mais c’était en vain… Ce puits de sciences, ce lettré se reprit et se rendit à l’évidence. Son cher frère n’était plus.

 

Il le regarda encore, l’embrassa tendrement, enfin abaissa les paupières définitivement sur sa vie et son œuvre.

 

La famille pénétra dans la pièce devenue tombeau.

 

Au même instant un imperceptible tourbillon sembla parcourir ce lieu. L’Égypte était là, déjà, venue   chercher « son » fils qu‘elle désirait depuis 41 ans, 2 mois et 9 jours.

 

 

C’est l’aube en ce dimanche 4 mars 1832, Jour de la Saint-Casimir, le déchiffreur, Jean-François Champollion le Jeune est mort.

 

 

Á son retour d’Égypte, la diligence qui le ramenait le déposa rue du Coq Héron, arriva le jeudi 4 mars 1830, soit deux ans jour pour jour avant sa mort prématurée qu’il prophétisa en ces termes : « La mort me guette à Babel. »

 

 



Il est pour moi le plus grand, le plus fabuleux, le plus merveilleux « GÉNIE. »

                                                         P.K.

 



« Sacrificium Deo spiritus contribulatis cor contritum et humiliatum Deus non despicies. »

(Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; Tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.)

                                                     Miserere



« Les admirables travaux de votre frère, éclairés de vos lumières, auront la durée des monuments qu’il vient de nous expliquer ».

                                                                                       Chateaubriand

MISSION CHAMPOLLION

 



Par Patrick Kararsi

  

   

Statue de Bartholdi – Collège de France .   « Je veux consacrer ma vie à l’antique Egypte. » JF Champollion. Statue de Bartholdi – Collège de France . « Je veux consacrer ma vie à l’antique Egypte. » JF Champollion .
JFC par Mauzaisse 1830 (Copie, don de Mr Hervé Champollion) JFC par Mauzaisse 1830 (Copie, don de Mr Hervé Champollion)
JFC par Rougé JFC par Rougé
JFC par Étex JFC par Étex
JFC à l'IFAO au Caire JFC à l'IFAO au Caire
JFC JFC
JFC par Mme de Rumilly 1823 JFC par Mme de Rumilly 1823
JFC par Angelelli 1836 JFC par Angelelli 1836
Hermine Hartleben 1ère biographe de JFC 1906 (Don de Mr Martin Hartleben) Hermine Hartleben 1ère biographe de JFC 1906 (Don de Mr Martin Hartleben)
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