Égypte, Ô mon Égypte, ils ont cru t’assujettir, te vaincre, te dominer, toi… la Mère des Mondes…
Pauvres hères, c’est toi qui les guidais là où tu le voulais, quand tu le voulais, dans ton domaine, ta dimension, ton monde… Le Rêve.
De cette « Réunion », je n’hésite pas à dire qu’elle fut pour Jean-François Champollion comme le franchissement d’une porte, un accès à un monde supérieur, celui de sa sensibilité toute particulière avérée avec l’Égypte. À partir de cette reconnaissance de « la Mère » pour « son fils », chacune de ses paroles, de ses phrases sonneront maintenant comme des formules. Quand il parlera, c’est Elle qui s’exprimera.
Il me fait penser par instant au petit « Her-Bak « pois chiche » dans les ouvrages d’Isha Schwaller de Lubicz. (Initiation d’un petit garçon qui cherche sa lumière et son nom.)
Il faut du travail, encore du travail, toujours du travail, et l’Égypte redeviendra elle-même… (Petit emprunt détourné à Danton)
Oui, dans sa première lettre au Duc de Blacas d’Aulps, son mentor parisien, Jean-François réécrit l’histoire des Rois d’Égypte selon une chronologie, même si pour le moment il a devant lui un capharnaüm, une caverne d’Ali Baba, une véritable brocante égyptienne… Cela ne lui plait pas, son Monde mérite un peu plus de respect… L’Égypte est ici empilée, amassée, désordonnée, désarticulée… Il faut de l’ordre, de la méthode, de la pédagogie, bref ce qu’il faut c’est lui… N’affirme t-il pas que la chronologie et la géographie sont les yeux de l’histoire ?
JF CHAMPOLLION sa vie son œuvre-H. Hartleben
Il va innover dans le domaine muséographique, mon cher Jean-François.
Dorénavant, tout objet sera présenté selon sa destination : religion, politique, historique, quotidien, par époque, par date.
La griffe du génie… Il pense à tout, s’occupe de tout, devine tout, sent tout, imagine tout, il a tout bonnement le respect et l’amour de sa science et de son Monde.
Il va faire en sorte que le visiteur « voyage intelligemment » au contact de la civilisation nilotique, qu’il s’imprègne des coutumes, des us, s’immerge dans le temple, pénètre dans l’habitat.
« L’égyptien » a bien mérité son surnom… Il est ici chez lui… Il n’avance pas, il ne court pas non, il enjambe ! Il va trop vite, trop haut, trop fort… Qui donc pourrait le suivre ?
Autre hommage à mon héros émanant d’un ministre prussien nommé Butsen, en poste à Rome :
« Ses découvertes et ses fécondes intuitions sont dues à l’éminence de son génie et aux nobles efforts de son esprit. »
(Objets exposés au musée égyptien de Turin)
- TRAVAUX - NOTES - PENSÉES -
Le point de vue est pénétrant : « Persuadé qu’une somme de préalables et d’idées s’était dégagée là, qui constituait un art véritable, même s’il ne correspond pas tout à fait à nos conceptions, il se libéra du parti pris trop exclusif des hellénistes en faveur des muses grecques pour aborder libre de toute influence les œuvres un peu raides du double Pays et leur rendre la justice si longtemps refusée. » (J.F.C. in H. Hartleben)
(« L’art est un moyen d’atteindre un but.») Le déchiffreur se régale… Il trie, classe, note des noms, des dates, des chiffres…
-Reconstitution de la succession des souverains de la XVIIIème dynastie grâce aux bas-reliefs sans jamais perdre de vue la liste d’Abydos.
-Hermine Hartleben écrivait que s’il savait que les jugements sur l’art égyptien seraient à revoir, il fallait également y inclure dorénavant ceux de l’histoire.
De « Séghir » :
« Figurez-vous si je suis maitre de mes heures, je dis plus, de mes minutes, au milieu de plus de cinquante statues égyptiennes, chargées d’inscriptions historiques, de plus de deux cents manuscrits en hiéroglyphes, de vingt cinq à trente momies et de quatre ou cinq mille petites figurines ou statuettes portant presque toutes une légende où je trouve à butiner. Le premier feu n’est point encore passé quoique mes journées entières soient employées depuis le 12 juin à étudier les restes si curieux de ma pauvre vieille Égypte… Ma vie presque entière se passe ainsi au milieu des morts et à remuer la vieille poussière de l’histoire, quoique les vivants et il n’y en a pas beaucoup, dans ce pays-ci, (la masse se figurant seulement qu’elle vit) m’aient reçu et accueilli avec toute l’aménité désirable. » (Lettre à son frère)
Des cendres sous le toit… (J.F.C. se recueille devant l’Histoire en lambeaux.)
« En entrant dans cette chambre que j’appellerai désormais le columbarium de l’histoire, je fus saisi d’un froid mortel en voyant une table de dix pieds de longueur couverte dans toute son étendue d’une couche de débris de papyrus d’un demi-pied d’épaisseur au moins. Quis talia fando temperet a lacrymis. Pour maîtriser un peu ma peine je supposai d’abord que je ne voyais là que quatre ou cinq cents manuscrits funéraires et j’eus le courage de jeter les yeux sur les plus étendus et les moins informes : ma blessure se rouvrit alors et saigna bien cruellement en reconnaissant que j’avais dans la main un débris de pièce daté de l’an XXIV du Pharaon Aménophis-Memnon.
Dès ce moment, la résolution fut prise d’examiner un à un les débris grands et petits qui couvraient la table de désolation… Décrire les sensations que j’ai éprouvées en étudiant les lambeaux de ce grand cadavre d’histoire est chose impossible : l’imagination la plus froide en serait ébranlée. Comment se défendre d’un peu d’émotion en remuant cette antique poussière des siècles ?...)
Lui seul à cet instant pouvait parler ainsi… S’il n’en était qu’un, il était celui-là.
Les turpitudes parisiennes ne cessant point, et bien que les turinoises commencent à leur ressembler, Jean-François peut compter tout de même sur un noyau dur d’amitiés solides : Messieurs Costa, Cholex, Balbo, et Blacas…De cette époque également sont issues les premiers contacts qui prendront corps lors de l’expédition franco-toscane de 1828/1829, comme Ippolito Rossellini, ou encore Nestor L’Hôte.
Nouvelles histoires de « Comptes » mais avec un p cette fois-ci…
-Noms de mois en hiératique, en démotique.
-Chiffres en hiératique pour choses et années.
-Chiffres en démotique.
-Chiffres en hiératique pour quantième de mois.
Triste nouvelle venue de France…
LE ROI EST MORT.
VIVE LE ROI !
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